mariejuhana Pand'artiste
Messages : 292 Date d'inscription : 15/06/2012 Age : 35 Localisation : Belgique
| Sujet: En attendant les absents ~ Lucissia (gagnante concours noël 2012) Lun 7 Jan - 15:34 | |
| Voici le texte gagnant dans la catégorie "autres univers". Lisez-le, relisez-le, et laissez un petit commentaire pour donner votre avis! Nous en tout cas, on a vraiment adoré!
En attendant les absents.
- Spoiler:
Il fait un froid glacial, un froid mordant qui gèle mes jambes, seules parties de mon corps qui ne sont pas recouvertes de mon lourd manteau vert que tout le monde porte. Celui qui ressemble à celui que portait Papa lorsqu’il est parti dans un de ces grands trains, à la guerre, celle dont tout le monde parle. Cela va faire trois ans, pourtant je le vois distinctement m’envoyer un baiser depuis le wagon, fier dans son uniforme vert et marron. Cette guerre qui m’avait déjà enlevé un oncle, mon Tonton Louis. Je ne l’ai jamais connu, je n’ai de lui qu’une photo, un portrait de famille avec ma mère toute petite et mes grands parents, et le télégramme que ma mère à reçu un jour de février.
*Nous avons le regret de vous annoncer que le soldat Louis MANQUET est tombé au combat à Verdun, le 25 février 1916, sous le feu des ennemis.* J’étais très orgueilleuse qu’un de mes oncles soit mort pour la France, et je ne ratais jamais de le dire ! « Si mon Tonton Charles n’avait pas été tué par ces sales boshs, il aurait tué Hitler ! » Ma mère ne ratait elle pas une occasion de me rappeler que la guerre n’était pas un jeu par un bonne claque sur les fesses. Mon père lui avait 14 ans lorsque la guerre avait commencé et à peine 18 lorsqu’elle s’était finie. Il avait rencontré ma mère un peu après et avait repris la ferme de mes grands parents au fin fond de la Franche Comté. Nous étions situés près de l’Alsace et donc de l’Allemagne, nous étions très fiers d’être restés Français et qu’il n’y ai aucune ambigüité, que la Franche Comté était bien française sans aucun lien avec les ennemis. Je suis née à l’automne 1919, juste après la guerre. Mes parents m’appelèrent Louise, en hommage à cet oncle qui deviendra pour moi un héros. J’ai passé mon enfance dans le bonheur d’un foyer où rien ne manquait et où le travail rendait heureux. Mes parents ne purent pas avoir d’enfants après moi, je fut donc l’enfant unique adorée et choyée. Je souris en repensant à ces années de bonheur… Mais maintenant tout avait changé. Nous sommes le 20 décembre 1943, et j’ai 17 ans. Mon père est parti à la guerre, et nous n’avons plus de nouvelles depuis un an déjà. Je ne sais pas si je dois encore garder espoir. Nous avons dû abandonner la ferme, ma mère est tombée gravement malade et j’ai décidé de venir habiter en ville, en attendant qu’elle aille mieux. Je suis sûre que c’est le chagrin qui la tue…
Papa tu nous manques tellement…
« Excusez moi Mademoiselle, pourriez vous m’indiquer le chemin pour aller à l’hôpital ? » Une voix masculine et à l’accent anglais absolument charmant me tira de ma rêverie. Ce sont des grands yeux bleus qu’encadrent des cheveux bruns sous un képi que je découvre en levant la tête. Qu’il est beau !
-Euh... C’est fou ça, je n’arrive pas à sortir un seul mot !
-Mademoiselle… ça ne va pas ?
-Je vous demande pardon ! J’étais plongée dans mes pensées ! Je vais moi aussi à l’hôpital, ce n’est plus très loin, il faut juste traverser ce parc, c’est de l’autre côté. Dis-je avec un sourire, essayant de paraître la plus naturelle possible.
-C’est parfait ! M’autoriserez-vous à vous accompagner ? Je lui dis que ce serai avec plaisir. Ce garçon m’intriguait, même s’il avait un accent très prononcé, il parlait notre langue admirablement. Il était jeune, sans doute 20 ans, et il portait comme tous les jeunes hommes de cet âge là un uniforme militaire. Il était Britannique apparemment. C’est étrange, qu’est ce que fait un anglais en Franche Comté ? Les alliés sont-ils déjà arrivés ? Il faut absolument que j’en sache plus ! Peut-être qu’il a des informations ! Peut être que la guerre va se finir et que Papa va bientôt rentrer à la maison ! -Pardonnez mon indiscrétion, mais vous êtes un soldat Britannique ? Cette question ne sembla pas le surprendre -Effectivement, je suis Anglais. J’ai été envoyé ici pour retrouver un camarade. Je fus tout de suite déçue. Pas d’opération coup de poing ou je ne sais quoi, juste un cas isolé. Quelque chose attira mon œil, son uniforme. Je ne l’avais pas bien détaillé, mais j’ai l’impression qu’il doit être plutôt haut placé ! Il est orné d’une multitude de médailles ! On aurait dit un sapin de Noel avec ses guirlandes, c’était parfait en cette période de l’année ! A cette pensée, une soudaine envie de pouffer de rire me prit, une envie que j’eu du mal à réprimer.
Le soldat voyant que je m’étranglais me regarda bizarrement et se mit à sourire je ne sais pas pourquoi, mais je me suis mise à rire comme une idiote, et lui aussi a commencé à rire !
-Je ne sais absolument pas pourquoi vous riez, mais votre rire est vraiment contagieux ! dit-il en essayant de calmer ce rire qui me semblait à moi aussi incontrôlable.
-Veuillez me pardonner, je ne voulais pas rire de votre situation bien sûr ! Mais j’ai tellement peu l’occasion de rire, que lorsque cela me prend, je ne peux plus m’arrêter. Dis-je avec un sourire gêné. Je ne sais pas comment j’aurais moi-même réagi si on m’avait ainsi rit au nez alors que j’annonçais quelque chose tragique. Ce jeune homme me plait de plus en plus.
Nous marchâmes en silence. La neige amortissait le bruit de nos pas, ainsi que tous les bruits alentours. Il était tard, il n’y avait personne dans les rues, tous les enfants étaient chez eux, devant la cheminée et leur sapin où bientôt leurs jouets tant désirés, apportés avec soin par le père Noël, trôneraient, n’attendant que d’être ouverts et aimés. Depuis que Papa est parti, nous n’avons décoré aucun sapin de noël, et aucun jouet n’est venu se glisser en dessous.
-Nous ne nous sommes mêmes pas présentés ! Je m’appelle James.
-Enchantée, James, je m’appelle Louise.
-Tout le plaisir est pour moi !
Nous marchâmes quelques minutes en silence, regardant nos pieds couverts de neige.
-Vous allez voir votre mari ?
Cette question me surprit tellement que je m’arrêtai, le regardant d’un air ahuri. J’ai l’air si vieille que ça ? Voyant mon désarroi, le visage du soldat se transforme en un air de gène qui le rend vraiment chou.
-Oh je suis désolé, j’ai sûrement dit quelque chose qu’il ne fallait pas ! C’est que.. Oh God, I’m so stupid !
Il est décidément vraiment chou, surtout lorsqu’il parle anglais !
-Ne vous inquiétez pas, c’est ma faute, je n’aurais jamais dû réagir comme cela ! C’est juste que c’est la première fois qu’on me prend pour une femme mariée ! Alors je ne sais pas si je dois bien le prendre parce que je fais plus adulte que mon âge, ou à l’inverse si je fais plus vieille que mon âge…
Il commençait à devenir tout rouge, alors j’ai préféré achever ses souffrances rapidement ! Je vais avoir 18 ans dans quelques jours, et je vais voir ma mère qui est gravement malade. Je dis ceci avec un sourire car j’avais totalement accepté la maladie de ma mère et n’avait plus aucun mal à en parler. Même si cela faisait encore mal, j’étais impuissante et je le savais, alors autant ne pas avoir honte d’en parler.
Un silence s’ensuivit. Apparemment il ne savait pas quoi dire. Je m’en veux, je l’ai mit mal à l’aise… Quelle idiote ! Allez, il faut que je relance la conversation, nous avons encore un bon bout de chemin à faire ensemble… Enfin… Dans le sens littéral !
-La France vous plaît-elle ? Je me demande si il existe plus bateau que cette question, à part peut être « Il fait beau n’est-ce pas ? »
Cette question le fit sourire, comme si il pensait exactement la même chose que moi, mais on moins, plus personne n’était gêné !
-Je n’aime pas beaucoup Paris, je trouve que c’est une ville plutôt vulgaire, surtout lorsqu’on est soldat, et que nos visites se résument aux bars et à Place Pigalle... Mais au contraire j’aime beaucoup cet endroit, il me rappelle ma campagne anglaise, et les gens sont très accueillants. Je me plaît beaucoup ici.
-Et où avez-vous aussi bien apprit le français ?
-Je viens d’une famille de Lord, qui est plutôt aristocratique. Lorsque j’eu 5 ans, mon père décida que j’étais assez vieux pour quitter la maison et aller vivre à Londres, chez une tante, avec un précepteur qui était Français et amoureux de sa langue natale. Il m’a transmit cet amour. La culture Française est une de mes passions.
Mes yeux s’allumèrent à cette phrase.
-Vous aimez la littérature ?
-Je ne peux pas m’endormir sans avoir lu un chapitre de Balzac ou d’Hugo ! Ces personnes étaient des génies, et grâce à tous ces grands écrivains, je suis tombé amoureux de la langue Française.
Un bel anglais qui paraît aimer autant que moi les grands écrivains ? Serait-ce possible ! On se croirait dans un rêve ! Mais une grosse bourrasque de vent me rappelle soudain à la réalité. La neige redouble et on ne voit pas à 20 mètres devant soi !
-Venez Mademoiselle, il faut attendre que la tempête se calme !
-Oui mais Maman…
-Nous serons congelés en arrivant, venez, il y a un abri ici.
Il m’entraina dans ce qui semblait être une chapelle abandonnée. Lorsqu’il referma la petite porte, le noir fut complet. Puis peu à peu, la faible lueur des vitraux nous montra l’intérieur de ce qui semblait être misérable vu du dehors. Des murs qui devaient être blancs comme la neige étaient maintenant presque noirs, les bancs étaient douteux et il n’y avait plus d’autel. Je n’avais jamais remarqué cette petite chapelle. Malgré son aspect pauvre, lorsque l’on entrait, on ne pouvait retenir un souffle d’admiration. Il y a avait quelque chose dans ces murs sales, ces bancs cassés et surtout ces vitraux sales qui projetaient une lumière opaque, quelque chose de magnifique et de magistral.
-Ouah… C’est incroyable !
Tiens j’en avais presque oublié sa présence ! Avec cette lueur, il semblait encore plus beau… Pardon je m’égare.
-C’est vrai que cela parait surréaliste ! On se croirait dans un roman gothique de Jane Austen !
-Ah, moi je me prends plutôt pour Quasimodo…
-Mais enfin, ce n’est pas Notre Dame De Paris !
-Si ! Mais à l’échelle régionale !
Je me suis remise à rire. Cela faisait longtemps que je n’avais pas ri deux fois dans la même journée. Soudain, sans comprendre, mon rire se transforma en pleurs. Un torrent de larmes tombait sur mes joues, sans que je puisse rien faire, et sans que je sache pourquoi. James, voyant mes joues inondées, ne dit rien, et me prit simplement le bras pour m’emmener près d’un banc. Il s’assit prudemment dessus, surement afin de tester sa résistance, puis me fit signe de m’assoir près de lui. Mes sanglots résonnaient contre les murs de la chapelle. Il ne dit rien ; il attendait simplement le moment où ma respiration se calmerait. Quand ce moment fut enfin arrivé, après environ 10 minutes de silence, la voix au si bel accent duquel je commençais à m’éprendre retentit.
-La paix arrivera bientôt. J’en suis sûr. Bientôt, il n’y aura plus de ticket de rationnement, plus d’alertes aux bombardements. Les hommes rentreront chez eux. Les maris reviendront à leur femme, les frères à leurs sœurs, les pères à leur fille.A ces mots, je senti les larmes refaire leur apparition. Mais James me prit la main doucement. Louise, vous retrouverez les personnes que vous aimez. Tout rentrera dans l’ordre, et je suis certain que votre mère sera guérie. Vous aurez une vie magnifique, je le sais, puisque vous êtes vous-même quelqu’un de magnifique. Qu’a-t-il dit ? Mon visage se tourna lentement vers lui, et je vis que lui aussi avait les yeux qui brillaient de larmes. Quant à moi, je vais retrouver mon ami. Je rentrerai en Angleterre, où mon père m’accueillera avec un froid glacial, déçu que je ne sois pas devenu un héros de la guerre. J’aurais sûrement une vie médiocre, mais au moins je pourrai dire que je vous ai connu.
A son tour, son visage se tourna vers moi avec un sourire bienveillant. Il se pencha sur moi et déposa un baiser léger sur mon front. Un simple baiser tendre. Un comme jamais je n’avais reçu.
-Venez, la tempête s’est calmée, remettons nous en route. Sans rien dire, je lui emboitai le pas encore trop stupéfaite. Lorsque nous sortîmes de la chapelle, le ciel avait recouvert la ville d’un nouveau manteau blanc, pur et sans traces. Quelques instant, nous seul le silence pparvint jusqu’à nous. Un silence calme et serin. Soudain, je senti une main chaude dans la mienne.
- Allons-y Louise ! Montrez-moi le chemin !
C’est avec un grand sourire partagé que nous partîmes vers l’hôpital. Sur le chemin, les rires et les boules de neiges fendirent l’air, donnant à cette après midi incroyable des airs de romans à l’eau de rose. Arrivés au portes de l’hôpital, nous nous arrêtâmes comme un seul homme, et c’est le sourire au lèvres que nous nous dirent au revoir.
-Je dois repartir dès ce soir pour Paris. Grâce à vous, la France est marquée à jamais dans mon cœur. Vous m’avez fait découvrir ce que ce pays a de plus précieux, vous.
-J’irai chaque semaine à la chapelle abandonnée, en souvenir de vous.
- Je reviendrai, je vous le promets.
Il posa un tendre baiser sur mes lèvres, et s’engouffra dans les couloirs sans fin de l’hôpital. Ma vie me semble un rêve. Aucune pensée noire ne traverse mon esprit. En arrivant dans la chambre de ma mère, le médecin était là.
-Mademoiselle, votre mère est sur la voie de la guérison. C’est un miracle, une lettre est arrivée pour elle, et depuis, elle reprend incroyablement des forces.
Sous le choc de cette nouvelle je m’approche doucement du lit de ma mère, qui d’un sourire plein d’amour et d’espoir me montre une lettre sur sa table de chevet. Dans l’enveloppe, simplement quelques mots :
Ma chère Marie, ma chère Louise, mes amours ; Je rentre.
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Taluna Banan'artiste
Messages : 134 Date d'inscription : 19/06/2012 Age : 33 Localisation : 95
| Sujet: Re: En attendant les absents ~ Lucissia (gagnante concours noël 2012) Mar 8 Jan - 9:37 | |
| Hey Lucissia, encore félicitations pour cette victoire! Je comprends, en finissant tes lignes, pourquoi tu as été choisie ^^ Ce texte est splendide. Un choix judicieux, cette époque! J'ai toujours voulu écrire sur cette période, mais je n'ai jamais véritablement osé, en dehors d'une simple "lettre à un soldat". Tu t'en es remarquablement bien tirée, bravo ^^ C'est plein d'émotions, c'est une jolie histoire et puis cette fin, elle est très belle Je ne trouve pas grand chose à dire d'autre ... je suis un peu sans voix :p Encore bravo ^^ Kiss, Tal' | |
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Lucissia Ninj'artiste
Messages : 39 Date d'inscription : 15/06/2012
| Sujet: Re: En attendant les absents ~ Lucissia (gagnante concours noël 2012) Jeu 10 Jan - 21:05 | |
| Coucou les filles !
Tout d'abord, un grand bravo à toi aussi Taluna, ton texte est magnifique et heureusement qu'il y avait deux catégories, parce que ton texte est juste..Wow.
Merci beaucoup ça me touche vraiment ! Cette période de l'année est pleine d'achats, de consommation, de moments de bonheurs et de rires, et je voulais voir ce qui pourrait amener un peu de joie dans une période de notre histoire où on ne pouvait pas toujours manger à sa faim et où les familles étaient séparées. Je suis sûre que malgré tout, on trouve toujours un moyen d'être heureux, en tous cas j'y crois !
Merci à vous deux et à toutes celles qui ont aimé ce texte <3 | |
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